'Quand l’entreprise est piratée, vous ne pouvez même plus avertir vos collaborateurs'
De plus en plus d’entreprises sont victimes de la cybercriminalité. Une organisation prise en otage par des pirates informatiques peut être immobilisée pendant des semaines. Mieux vaut avoir un plan prêt à l’emploi, car personne n’est à l’abri.
Avez-vous entendu parler du thread hijacking? Cette forme de piratage consiste à pénétrer dans le réseau d’une entreprise pour étudier les conversations par courrier électronique jusqu’à comprendre comment les membres de la direction communiquent. C’est alors que les pirates frappent: par exemple, ils envoient un e-mail au service de comptabilité au nom du CEO, demandant le versement de fonds sur un certain compte.

la cybercriminalité est en hausse
En général, les pirates restent discrets au début, indique Kurt Callewaert, expert en cybersécurité à la Howest. “Ils étudient d’abord le système, déterminent s’ils peuvent voler les informations d’identification d’une autre personne qui a plus de droits. Ensuite, ils installent un ransomware pour prendre l’entreprise en otage.”
Un tiers des cyberattaques ont empêché les salariés d’effectuer leur travail.
La cybersécurité est une priorité pour de nombreuses entreprises. L’enquête annuelle de Proximus NXT en la matière révèle qu’un tiers des entreprises ont connu au moins un incident de sécurité en 2022. Dans les entreprises de plus de 2.000 collaborateurs, ce chiffre atteint même 60%. Une entreprise sur 10 a connu plus de 10 incidents.
Personnel inaccessible
Une attaque de ce type peut avoir des conséquences énormes pour une entreprise. Dans l’enquête de Proximus NXT, les cyberattaques ont conduit à l’inactivité dans un tiers des cas, et près de la moitié des incidents ont eu un impact financier important.
Kurt Callewaert n’est pas surpris. “Depuis l’enfance, nous sommes habitués à être attentifs en traversant la rue. Mais en matière de sécurité numérique, nous ne sommes pas encore formés. Aujourd’hui, tout le monde est en danger. En particulier les entreprises qui sont connectées numériquement à leurs fournisseurs et à leurs clients: il s’agit souvent de systèmes complexes, et de temps en temps, une faille s’ouvre. Et une fois à l’intérieur, les pirates peuvent tout crypter: votre serveur de messagerie, votre central téléphonique, votre système de production. Vous ne pouvez même plus avertir votre personnel.”
Droits d’administrateur limités
Les entreprises peuvent se procurer des systèmes de surveillance pour détecter les irrégularités dans leur réseau. “Ces systèmes sont de plus en plus efficaces, notamment grâce à l’intelligence artificielle, mais pour les petites entreprises, ils sont presque inabordables”, souligne Kurt Callewaert.
Alors, comment s’armer contre les cybercriminels? “Tout d’abord, il faut rompre avec la conviction que la cybersécurité est l’apanage du département IT. Tout le monde, de la réception au patron en passant par le comptable, peut y être confronté. Dispensez à chacun une formation sur mesure, basée sur ses propres pratiques quotidiennes.” Cela pourrait commencer par une campagne de phishing: envoyez vous-même des courriels de phishing, voyez qui clique dessus et sensibilisez les collaborateurs si nécessaire.
En outre, il est indispensable de sauvegarder votre système. “Ne vous limitez pas à un petit disque dur relié quelque part au système, car il sera également crypté en cas d’attaque. Élaborez un plan de sauvegarde avec les données les plus récentes de votre entreprise et des sauvegardes multiples.”
L’authentification à deux facteurs, qui consiste à introduire un mot de passe mais aussi à se connecter avec itsme, un SMS ou la reconnaissance faciale, peut éviter bien des problèmes. Et ne négligez pas l’accessibilité des données: “Dans les petites entreprises, tout le monde a souvent accès à tout. Puis une personne est licenciée, et soudain tous vos secrets commerciaux sont révélés au grand jour. Il convient donc de limiter les droits d’administration et l’accès aux données.”
“Limitez l’accès à vos données. Vous éviterez ainsi que vos secrets commerciaux soient révélés au grand jour parce que vous avez licencié l’un de vos collaborateurs”
Kurt Callewaert
Portefeuille Bitcoin pour les urgences
Même si vous avez pris toutes les précautions nécessaires, vous pouvez malgré tout être victime d’un piratage. “Certains pirates se spécialisent dans les vulnérabilités ‘zero-day’, c’est-à-dire qu’ils trouvent des failles dans des programmes ou des mises à jour qui viennent d’être lancés. Difficile d’agir contre eux. C’est pourquoi il faut avoir un plan prêt à l’emploi au cas où votre entreprise est prise pour cible.”
Ce plan abordera les options de communication (un groupe WhatsApp pour le personnel, par exemple) et une liste d’experts auxquels faire appel immédiatement, en plus d’une solution de secours. “Envisagez d’ouvrir un portefeuille Bitcoin afin de pouvoir payer la rançon rapidement, si vous souhaitez opter pour cette solution. Je ne le recommande pas, mais dans certains cas, c’est le seul moyen de récupérer les données.”
“Certains pirates se spécialisent dans les vulnérabilités zero-day”
Kurt Callewaert est responsable de la valorisation de la transformation numérique à la Howest (haute école de Flandre- Occidentale). Il est engagé dans la formation et la recherche en matière de cybersécurité depuis plus de 12 ans. Il est chef de projet du Living Lab Innovative Cyber Security in Industry and Logistics 4.0, soutenu par le VLAIO.